Suis toujours la route de briques jaunes
Dépasser ses peurs et oser raconter: suivre le chemin tracé par sa parole.
La rentrée approche et je me souviens de la route de briques jaunes.
Sur la VHS usée à force d’être regardée, la technicolorisée Judy Garland s’en allait, souliers de rubis aux pieds et panier au bras, accompagnée d’un pays entier de petits êtres sautillants et chantant « Follow the Yellow brick road » en yaourt.
Et bien des années après, j’y ai repensé, comme une évidence: « suis toujours la route de briques jaunes »… pourquoi c’est si important?
Parce qu’on la perd.
On la perd, la route qui mène au pays imaginaire. D’abord, parce qu’elle se divise – souvenez-vous, juste après l’homme de paille. Ensuite parce qu’on s’en écarte – devant fer-blanc. Puis elle traverse des endroits effrayants, même quand on n’est pas un lion sans-coeur. Enfin, la sorcière de l’Ouest l’efface, sous des fleurs qui endorment… avant que Glinda ne les recouvre de neige.
Et pourquoi la perd-on particulièrement à la rentrée… parce qu’il y a beaucoup à faire – les cerveaux à rempailler, les pommes à ramasser dans les cartables, les monstres-de-la-rentrée à mettre en fuite, les fleurs-stories à faire défiler. Et surtout, parce qu’on rencontre le magicien. Le faux magicien. Celui qui juge.
Souvenez-vous: quand ils le rencontrent, ce fameux magicien d’Oz, il les envoie promener, et pas sur la route de briques jaunes! Il leur dit que leurs aspirations, le cerveau, le coeur, le courage, sa maison, tout ça, c’est des foutaises! Partez! Ne désirez surtout pas, ou désirez, mais allez-vous-en!
Et puis Toto, le petit chien, écarte le rideau et dévoile un magicien de pacotille.
Nous sommes ainsi. Nous avons en nous un magicien de pacotille, et une sorcière puissante, qui bien vite nous disent, dès que nous suivons ce chemin de désir « regarde ces belles fleurs et endors-toi », ou « ce que tu racontes ne vaut rien »…variante: « ce que tu racontes c’est beaucoup moins bien que tes petits camarades, ou que ce que tu pourrais faire, arrête, renonce ».
Il faut alors se souvenir de ce pays rêvé, de la bulle rose-malabar de Glinda, du chant entêtant des Munchkins. De la route de briques jaunes, qui peut être notre relation au Conte, au Merveilleux, à l’histoire. Qui peut disparaître à nos yeux, mais qui est toujours là. Et faire confiance à Toto, notre instinct, qui sait et saura toujours démasquer les imposteurs et flairer, à coup sûr, les vraies fées et les merveilleux magiciens.
Bonne rentrée, et… suis toujours la route de briques jaunes.